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L'EFFET "TELESCOPE"
Incidence du mental en plongée
Juin 2008 - PO
L’ouverture du site de Plong’Image m’a déjà conduit à publier deux articles portant sur un certain concept de la plongée en tant qu' activité physique et sportive de loisir. Le ton ayant été largement donné sur l’importance que j’apporte au «mental» dans la pratique de cette activité, personne ne s’étonnera que je propose un article sur «la préparation mentale» comme conclusion de ce concept.
 
Pour une meilleure illustration de cette technique, partons d’une situation de challenge dans laquelle le plongeur peut se trouver lorsqu'il opère une assistance en plongée profonde. Nous analyserons ainsi les perturbations mentales potentiellement engendrées chez le plongeur dans cette situation, alors qu'il est susceptible de subir :
 
L’EFFET " TELESCOPE "
(d'après Friedmnan, chercheur en neurosciences)
 
ANALYSE du problème

Cet état peut être provoqué par différentes causes :
(en application à la plongée,nommons notre plongeur assistant "le sujet")

1 - le sujet est de nature anxieuse et, face à l’urgence dans un milieu «hostile», ne contrôle pas cette anxiété (il n'en connaît pas les moyens). Il ne régule pas ses émotions et plus l’urgence est importante, plus la pression monte (question de survie?). L'anxiété "bloque" le sujet qui finit par subir ses sensations sans pouvoir les interpréter (intelligemment). Ce sujet peut être très bon "hors défi" (stress) et perdre ses moyens dans l’urgence.
 
2 - le sujet s'enferme dans un système d'auto-injonction du type "je dois!". La zone de panique, siège du "je dois" - sorte d'obligation morale de réussir - est le site où naît le stress de surpression. C'est un facteur aggravant face à l'échec. Le sujet est pris dans le piège de ses propres déclarations de réussite. Le moindre geste technique est une surcharge par rapport à l'ensemble des références qui se bousculent au niveau visuel, appuyées par les effets de la Pression (narcose, hypercapnie, barotraumatisme).
 
3 - le sujet donne une importance extraordinaire à son intervention parce que celle-ci représente la survie de son binôme. Il n'est pas préparé à "traverser l'évènement" dont il fait un gouffre dans lequel il craint de s’enfoncer. La moindre erreur devient catastrophe et peut entraîner un cercle vicieux calamiteux (spirale de l'échec).
En résumé, plus la demande est forte et plus "l'effet télescope" est puissant, plus les ressources sont désactivées… Le milieu subaquatique, à fortiori s’il est profond, est un facteur largement favorisant du stress de surpression qui se conjugue toujours avec une désactivation des ressources qui deviennent temporairement inopérantes. Le sujet verse alors inéluctablement dans l'état de panique. Même l'efficacité des ressources acquises, des savoir-faire appris et assimilés, peut être temporairement remise en cause.
 
SOLUTION
 
Un sujet mentalement prêt à aborder l’urgence et entraîné aux techniques de préparation mentale saura se reprendre assez vite. Chacun possède des ressources naturelles pour lutter contre le stress de surpression. Il "suffit" d'utiliser les techniques classiques pour répondre et faire face à l'état de panique déclenché par les situations répertoriées (1-2-3).
 
Mais avant d'aborder ces techniques, définissons une fonction qui joue un rôle majeur dans le contrôle mental: l'Emotion. En tant que système bio-régulateur c’est une fonction homéostatique qui "crée des réactions physiologiques coordonnées, en grande partie automatiques, indispensables au maintien de l'équilibre des états internes".
 
Tous les grands chercheurs en neurosciences, de Freud à Damasio, s'accordent à penser "qu'il n'y a pas de différence entre l'âme et le corps; le corps c'est de la pensée".
 
L’émotion: avantage ou handicap?
Heureusement, nous avons tous des émotions, mais ceux qui ne savent pas les contrôler, peuvent subir les effets négatifs de l'anxiété (déconcentration, fuite, panique), alors que ceux qui auront appris à les gérer bénéficieront d'effets positifs (motivation, réaction humorale positive).
Il faut donc savoir s'adapter à toutes ces situations génératrices d'états émotionnels plus ou moins forts et cela par des choix qui vont déterminer une réponse (autant qu'elle soit positive). Ces choix peuvent s'appuyer sur une méthode qui comprend plusieurs variables et faire l'objet d'un entraînement:

L'imagerie mentale: modifiant le réel (optimisation, méthode Coué), elle peut servir à :
- l'apprentissage > confiance
- contrôle énergétique> relaxation
- motivation> détente
- contrôle émotionnel > désactivation

Les modes attentionnels et la concentration : passant par 4 modes de traitement de l'information:
- Analyser (Observer et planifier une stratégie)
- Préparer (mentalement l'action)
- Evaluer (la situation)
- Agir (concentration sur l'action immédiate)

Avec ça, l'anxiété peut agir à 2 niveaux:
- négatif : perturbe la concentration
- positif : favorise la focalisation de l'attention (stress positif contrôlé)

Le stress causé par l'anxiété peut faire "dériver" dangereusement l'information (modes attentionnels) de l'étage intelligent du cerveau (cortex préfrontal) pour la faire tourner en rond dans l'étage limbique, intermédiaire entre le cortex et l'étage reptilien (inférieur) du cerveau.

 
METHODE

Il s'agit de passer d'un état de panique à un état d'analyse rationnelle, permettant de revenir dans la zone de performance, voire de maîtrise - soit passer du stress de surpression au stress positif contrôlé. La réponse s'organise en 2 temps :

1- "Retourner le télescope" en ramenant la demande à sa juste valeur par une mesure de la réalité et une évaluation de la difficulté réelle. Après tout, il ne s’agit que de remonter vers la surface avec «un petit handicap».

- a/Lutter contre l'irrationnel : difficile, lorsque l'on est soumis à un fort stress, d'évaluer sainement cette situation "télescope" (=> irraisonnée). Mais il est moins difficile de prendre du recul en dehors de l'action (longtemps avant et après) que pendant l'action. D’où l’importance de l’entraînement périodique à l’assistance.
- b / Reprendre le contrôle de la réalité par l’auto-questionnement et la re-concentration sur les sensations : essentiel et indispensable car la zone de panique peut être quittée par simple baisse de la "demande". Si le sujet est capable de se poser la question de l'origine de son stress, la réponse induite est presque automatique. La reprise de contrôle d'une sensation directrice (ex: visuelle, mais en évitant les instruments) agira de la même façon.
 
Avec cette réévaluation, consolidant la demande, le sujet doit être capable de reconstruire une croyance (vision de soi + objectif) plus conforme à sa valeur et de gagner en temps et sérénité et de réorienter son énergie et sa confiance.

2 - Relancer les ressources pour mobiliser immédiatement et fortement les moyens existants qui deviennent à nouveau disponibles (sensations, techniques…). Cette opération fait automatiquement quitter la zone de panique et débloque le libre jeu des ressources

Pendant l'action le sujet est seul, personne ne peut l'aider. Il doit trouver seul la solution et la trouver très vite pour que sa réaction souffre le moins possible de la surpression. Le questionnement ou auto-questionnement (analyse séquentielle ou inventaire des sous-objectifs…) parvient pratiquement toujours à ramener la demande à sa dimension normale et permet de quitter la zone de panique. En menant conjointement les 2 temps de la réponse au stress, on se replace dans l'état d'activation et de concentration nécessaire à l’efficacité de la réaction qui a été momentanément désactivée .

L'entraînement mental peut être un excellent moyen d'activer des ressources fortes et fixées qui induiront une réponse automatique et efficace. Mais ce travail, s'il n'est pas naturellement appréhendé, contrôlé, voire encadré, peut être difficile et parfois dangereux... Mieux vaut donc vous adresser à votre coach préféré pour ce type d'exercice.

Enfin, pour clore cette petite analyse, rappelons que la base de tout travail aussi bien mental que physique reste la VENTILATION, d’autant plus que celle-ci permet une meilleure décontraction, soit une plus grande résistance à l’anxiété.
Une technique respiratoire efficace et maîtrisée doit donc être considérée comme un préalable indispensable à une plongée, à plus forte raison si elle est profonde...